Quand l’automne arrive, entre les deux mon cœur balance : choisirai-je les fulgurances de l’été indien, cette saison qui n’existe qu’au nord de l’Amérique, ou le momijigari, la « chasse aux feuilles rouges », à laquelle s’adonnent les japonais depuis plus d’un millénaire ? Véritable star de ces saisons aux couleurs magiques : l’érable. Un arbre dont il existe plus de 200 espèces, la plupart répandues dans les régions tempérées et froides de l’Amérique du Nord et d’Asie. Et en Europe, où seulement cinq espèces d’érable sont indigènes, tandis qu’un large éventail de variétés plus ornementales ont été importées au fil du temps pour le plus grand bonheur des jardiniers et des amoureux de la nature.
Partons en voyage, à la découverte de cet arbre flamboyant, de sa sève et de son sirop !
Vénérable érable, qui a traversé les espaces et le temps
Le spécialiste des érables Piet de Jong en estime l’origine au début du Tertiaire au sud-est de la Chine. Des fossiles ont été retrouvés en Asie, datant du Paléocène (de 66 à 56 millions d’années). D’autres, en Amérique du Nord datant de l’Eocène (de 56 à 33,9 années). Quant à l’Europe, on considère que les érables des montagnes y étaient présents avant les grandes glaciations. C’est dire que l’érable ne date pas d’hier, loin s’en faut. Et si les espèces sont multiples, elles ont toutes en commun d’avoir un feuillage à la forme composée de lobes palmés et plus ou moins pointus.
Multiplicité des espèces à travers le monde, multiplicité aussi des appellations qui chacune se réfère à une particularité de l’arbre : maple chez les Anglo-saxons, Fēng shù chez les Chinois, Kaede chez les Japonais, et chez nous, acer pour le nom savant et érable pour le nom commun. Acer, en latin, signifie pointu, acéré. Référence à la forme des feuilles ou à l’usage qui était fait du bois d’érable sous l’Antiquité pour fabriquer des lances ? Pline l’Ancien dans sa très riche Encyclopédie naturelle nous laisse le choix. Quant au nom érable, il serait dérivé du gallo-roman acerabulus, mix du latin acer et du gaulois abalo qui signifie pomme, sorbier.
Quoi qu’il en soit, tous les érables sont des arbres ou des arbustes du genre Acer, type de la famille des Sapindacées selon la classification APGIII (2009), dans l’ordre des Sapindales.
L’érable, du bois dont on fait les chevaux, les pagaies, les luths et les skateboards
Dans la tradition française, les noces d’érable correspondent aux 58 ans de mariage. C’est dire la robustesse et la flexibilité de ce bois ! Peut-être aussi sa capacité d’adaptation, si l’on en croit la diversité de ses usages à travers le temps. D’après l’Iliade, le Cheval de Troie aurait été fabriqué en bois d’érable. Quant aux peuples autochtones d’Amérique du Nord, ils l’utilisaient de plusieurs manières, allant de la vannerie à la fabrication de pièges à poissons, de raquettes, d’arcs, de manches de harpons, de pagaies ou de fusaïoles. Plus tard, le bois d’érable, très apprécié pour ses veinures aux motifs plus ou moins marqués et réguliers, sera utilisé en petite ébénisterie, en marqueterie et en lutherie. Enfin, aujourd’hui, l’érable est recherché pour réaliser des planches de skateboard.
L’érable dans nos parcs et jardins
Les érables sont de beaux arbres et relativement faciles à planter et entretenir. Voici quelques conseils si vous souhaitez vous lancer. Pour un petit jardin, adoptez l’érable à peau de serpent, à l’écorce verte ravissante. Ou encore, l’érable triflorum au feuillage découpé prenant des couleurs orangées en automne.
Dans un jardin moyen, préférez l’érable opalus tomentosum (ou érable d’Italie) aux larges feuilles arrondies d’un jaune très marqué en automne.
Pour un grand jardin, et si le sol est frais et peu argileux, choisissez un érable à sucre. Il est tellement beau avec son feuillage orange et rouge. Ou bien, un érable sycomore aux larges feuilles tournant au jaune. Ou encore un érable rouge, emblématique des forêts d’Amérique du Nord.
Plantez votre érable en automne hors période de gel et choisissez une exposition au soleil ou à mi-ombre. Privilégiez les terres franches et sans trop d’argile, arrosez le copieusement la première année. Et, si l’arbre est grand et planté en milieu ouvert, installez un tuteur que vous pourrez enlever après quelques années. Pour la taille, rien de particulier, sauf des petites retouches que vous pourrez faire à la fin de l’automne pour favoriser un développement harmonieux de l’arbre.
Dans la famille des érables, je demande l’acer saccharum, l’arbre à sucre
Si vous visitez l’Arboretum de Boiscorde, vous découvrirez différentes espèces d’érable. En particulier bien sûr, l’érable à sucre (Acer saccharum), qui nous vient tout droit du Canada, et qui depuis 1965, en arbore fièrement la feuille sur son drapeau. D’après la légende, l’érable à sucre serait ainsi nommé depuis le jour lointain où un amérindien, passant au pied d’un arbre, fut intrigué par le spectacle d’un écureuil qui grimpa le long du tronc, mordit une branche et se mit à boire, alors qu’une source d’eau fraîche coulait tout près. Il voulut en avoir le cœur net, fendit à son tour le tronc de l’arbre et en vit s’écouler une eau sucrée !
On raconte alors comment chaque année, à la fin de l’hiver ou au début du printemps, les familles amérindiennes quittaient leurs villages pour aller camper dans les érablières, où chacune possédait 1 200 à 1 500 érables. Les hommes chassaient tandis que les femmes confectionnaient les chaudières en écorce de bouleau et commençaient l’entaillage pour récolter la sève et la transformer en sirop après évaporation de l’eau par ébullition.
Une autre légende voit dans la découverte du précieux nectar un cadeau de la Déesse terre, Nokomis. Les hommes voulant sans doute ainsi célébrer les multiples bienfaits qu’ils en retiraient. Car si l’érable était surtout apprécié pour le sirop qu’on en extrayait, il était également utilisé dans la médecine traditionnelle. Il permet de traiter divers malaises allant de la toux à la tuberculose, en passant par la dysenterie. Ou encore de soigner les blessures et les abcès avec les racines et l’écorce.
On sait aujourd’hui que la sève d’érable est riche en glucides (sucrose, glucose et fructose) et minéraux essentiels (manganèse, calcium, potassium, fer, zinc, et magnésium). C’est donc un produit très énergétique et nutritif. Des données récentes montrent également la présence, dans la sève d’érable, de composés phénoliques et de flavonoïdes. Certains sont reconnus pour leur puissant effet antioxydant et antimutagène et également pour leurs propriétés organoleptiques (agissant sur les organes des sens). D’autres études, menées au sein de l’université du Rhode Island aux Etats-Unis, ont montré que l’extrait de feuille d’érable, chargé en actifs permettant la régénération cellulaire et la production d’élastine de la peau. Il pourrait ainsi être utilisé pour prévenir les rides.
L’érable n’a donc pas fini de nous révéler ses trésors. Les plus récentes découvertes lui ouvrent toutes grandes les portes de la cosmétique naturelle. Un sujet qui nous passionne et dont nous vous reparlerons !
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