Shi Guangyin, un agriculteur chinois contre le désert

Le 29 juin 2021, un agriculteur chinois âgé de 68 ans, Shi Guangyin, recevait solennellement la « Médaille du 1er juillet », la plus haute distinction du Parti communiste chinois (PCC), pour sa contribution exceptionnelle à la lutte contre la désertification, dans la région de Yulin qui se situe aux confins du désert de Maowusu, le huitième plus grand désert de Chine.

Comme Yacouba Sawadogo, Shi Guangyin a puisé dans son enfance la volonté et l’énergie de défier la nature pour améliorer la vie quotidienne des habitants de la région. Son arme ? Le contrôle du sable par le reboisement.

La fureur des vents de sable, une expérience fondatrice

Au tournant des années 60, alors qu’il avait à peine 8 ans, Shi est emporté par une tornade de vent et de sable avant d’échouer des kilomètres plus loin, où son père le retrouva le lendemain. Gravement brûlé, il survécut miraculeusement contrairement à son camarade de classe qui disparut dans la catastrophe.

Il faut dire que les vents de Maowusu peuvent atteindre une vitesse de 20 mètres à la seconde, entraînant avec eux des masses de sable qui ravagent tout sur leur passage. Avec à la clé, pauvreté, insécurité et précarité pour les habitants. Shi Guangyin raconte même que la maison familiale était régulièrement détruite par les éléments, les obligeant à sans cesse déménager.

C’est ainsi que très jeune il se promit de faire de la lutte contre les vents de sable le combat de sa vie, avec une conviction : « Si vous ne contrôlez pas le sable, vous resterez toujours pauvre ! ».

Le désert de Maowusu est une extension du désert de Gobi qui mobilise Pékin depuis de nombreuse années.

Le gouvernement chinois lance des programmes de reboisement

Les chiffres indiquent qu’en juin 1949, la forêt et les prairies ne représentaient qu’1,8% de la surface des sols à Yulin au profit du désert. Alors que, si l’on en croit les textes, 2000 ans plus tôt, le secteur connaissait un climat chaud et humide. Le réchauffement de la planète et l’activité humaine destructrice sont passés par là…   

Dès les années 50, les habitants de Yulin commencent à contenir les vents de sable et le désert par le reboisement. Au début des années 80, le gouvernement met en place des politiques ambitieuses visant à encourager les initiatives individuelles de reboisement. En 1984, Shi Guangyin est le premier habitant de Yulin à se lancer. Il signe un contrat pour le contrôle de la désertification sur une zone de terre de 3000 mu (soit environ 2 hectares), vend ses 84 moutons et sa mule, fait un emprunt à la banque locale et démarre le reboisement.

D’échecs en réussites, Shi Guangyin construit une « muraille verte » sur plus de 50 kms

Shi Guangyin entraîne dans l’aventure un groupe d’habitants de son village : « Je leur ai expliqué que nous devions le faire, parce que si nous ne le faisions pas, nous serions tous  contraints de quitter la région dans un futur proche ». Ensemble, pendant plus de 30 ans, au prix de multiples difficultés, ils plantent avec succès près de 53 millions d’arbustes couvrant des milliers d’hectares de terres sableuses, salines et alcalines. Au final, ils peuvent se targuer d’avoir construit une grande « muraille verte » qui s’étend sur plus de 50 kilomètres au sud du désert de Maowusu.

Pourtant tout n’a pas été facile… Les premières années les pertes d’arbres sont colossales (près de 90% !) du fait de l’érosion éolienne et des tempêtes de sable. Le découragement guette. Shi Guangyin comprend alors que la bonne volonté ne suffit pas, il consulte des experts et améliore progressivement sa méthode de prévention du vent et de fixation du sable. Le taux de survie des jeunes arbres monte à plus de 80%.

Les années passant, il choisit des espèces à haut rendement pour rentabiliser son entreprise qui affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires de plus de 3,4 millions de yuans. Au passage, Shi Guangyin n’oublie jamais d’intégrer les habitants à ses projets de développement (ranch, cultures, pâturages, ferme laitière, vignobles, usine de purification d’eau, attractions touristiques,…) rendus possibles par le recul du désert. Ce qui contribue grandement à améliorer leur situation socio-économique.

Le reboisement avance vite mais demande énormément d’eau.

Une muraille verte contre le dragon jaune, oui, mais à quel prix ?

Cette success-story à la chinoise mérite d’être questionnée. En 2018, le magazine Geo a publié un article très éclairant où il pose la réflexion en ces termes : « La croisade forestière de la Chine constitue finalement une cruciale épreuve de vérité : oui ou non, le génie humain est-il capable de sortir nos sociétés d’un problème environnemental majeur ? ». La réponse se trouve sans doute à mi-chemin entre les résultats mirifiques avancés par Pékin et le scepticisme de certains chercheurs. Durabilité effective des plantations, épuisement des nappes phréatiques, biais trompeur du mirage des subventions : qu’en est-il vraiment du reverdissement de la Chine ? La communauté scientifique est d’accord pour dire que dans tous les cas les effets à long terme de la Grande Muraille verte sur le milieu naturel pourraient mettre des décennies avant de se faire sentir. En attendant, Lu Qi, chef de l’Institut chinois d’étude de la désertification, le reconnaît : « Repousser le sable relève d’une décision [publique], donc c’est profondément politique ».

Lutte sans relâche contre le sable dans le désert de Kubuqi (Mongolie-Intérieure). © Ian Teh (source : https://www.geo.fr/environnement/chine-des-milliards-d-arbres-contre-l-avancee-du-desert-190387)

Un projet de restauration écologique appelé à se perpétuer

Reste que des entrepreneurs comme Shi Guangyin ont effectivement contribué à cette aventure du reboisement ! Aujourd’hui, il passe progressivement le flambeau à son petit-fils Shi Jianyang. Dépositaire de son héritage et titulaire d’un diplôme en technologie de la forêt, il est prêt à poursuivre l’œuvre de son grand-père : « En tant que jeune membre du parti, je veux apporter mon expertise et mes connaissances technologiques à ma région, pour contribuer à restaurer l’environnement, mais aussi pour développer une filière économique à partir de la forêt ». Cela étant, Shi Guangyin  n’est pas encore prêt à se reposer sur ses lauriers : « J’ai passé toute ma vie à lutter contre les vents de sable, et je continuerai jusqu’à ma mort ! ». #inspirations

Shi Guangyin n’est pas prêt de s’arrêter !

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