Si vous avez la chance d’habiter en région parisienne ou d’y séjourner d’ici le 31 octobre, nous vous invitons vivement à vous rendre à la Philharmonie de Paris pour y admirer l’exposition photographique du brésilien Sebastião Salgado. « Pendant six ans, Sebastião Salgado a sillonné l’Amazonie brésilienne, photographiant la forêt, les fleuves, les montagnes, les peuples qui y vivent. Cet univers profond, où l’immense pouvoir de la nature est ressenti comme dans peu d’endroits sur la planète, a imprimé dans l’œil du photographe des images saisissantes, dévoilées pour la première fois au public », explique la commissaire de l’exposition.
Grand photographe humaniste, Sebastião Salgado est aussi un écologiste convaincu, comme en témoigne le gigantesque projet de reforestation qu’il a entrepris avec son épouse Lélia Wanick Salgado sur le domaine familial dans la province minière de Minas Gerais au Brésil.
Sebastião Salgado, une enfance au cœur de la forêt tropicale
Sebastião Salgado est né en 1944 à Aimorés (Minas Gerais) dans une ferme située en pleine nature au milieu de la forêt tropicale, il grandit là dans une famille nombreuse qui vit en quasi autarcie tout en élevant du bétail. Ce sont sans doute les images de ce paradis perdu de l’enfance qui nourriront son engagement futur… A l’âge de 15 ans il part faire ses études en ville, s’engage très vite dans des mouvements radicaux de gauche, puis s’envole avec son épouse pour la France, le pays rêvé des Droits de l’Homme. Il démarre une carrière d’économiste tout en développant sa passion pour la photographie, et commence à sillonner le monde comme grand reporter. Sans jamais oublier le projet qui lui tient à cœur : observer et photographier avec beaucoup d’humanité, et toujours en noir et blanc, la détresse de ceux qui vivent dans des conditions difficiles : travailleurs, paysans, mineurs, victimes de la famine ou de la guerre. Cette quête l’usera jusqu’à lui faire douter du sens de la vie. Jusqu’au jour où…
L’Instituto Terra pour faire renaître la forêt primaire
… dans les années 90, Sebastião Salgado hérite de la propriété familiale au Minas Gerais qui, au fil d’années de déforestation et d’exploitation des minerais, est devenue une terre de désolation. « Tout était détruit, j’en étais malade, explique Salgado en 2015 dans une interview accordée au Guardian. Moins de 1 % des terres étaient encore pourvues d’arbres. C’est là que ma femme a eu la fabuleuse idée de replanter cette forêt ». Très vite ils lèvent des fonds au Brésil, aux Etats-Unis et en Europe pour créer l’Instituto Terra, une organisation dont l’objectif est de redonner vie à cette forêt massacrée.
La tâche n’est pas simple, ils ont tout à apprendre et 300 espèces à replanter pour tenter de reconstituer ce morceau de la « Mata Atlantica », une forêt tropicale humide localisée le long du littoral du Brésil, dotée d’une biodiversité extrêmement riche et dense. La première graine est plantée en 1999, et à force d’essais, d’échecs et de réussites, ce sont en vingt ans plus de deux millions d’arbres qui ont été replantés et qui couvrent aujourd’hui une surface de plus de 600 hectares ! Qui dit reforestation dit retour de la biodiversité, avec aujourd’hui 172 espèces d’oiseaux, 33 de mammifères et 15 d’amphibiens et de reptiles recensées.
Le succès de leur entreprise est salué par les autorités brésiliennes qui attribuent au site le statut de « réserve privée du patrimoine naturel » (RPPN), l’équivalent des « réserves naturelles nationales » (RNN) en France. Cela alors qu’au même moment, selon l’ONG Imazon, la déforestation en Amazonie brésilienne a augmenté de 54 % en janvier 2019 par rapport à janvier 2018 ! Dans une perspective de sensibilisation aux enjeux de la préservation de la nature, le site comporte aujourd’hui un laboratoire de semences, un centre écologique éducatif avec réfectoire, des chambres (140 lits), des salles de classe, un théâtre-cinéma et même un petit musée. Et pour Sebastião Salgado, ce fut une renaissance : « Je voyais renaître le paradis de mon enfance, et la vie est revenue en moi ».
Replanter des arbres, c’est aussi replanter des sources
C’est la conviction de Sebastião Salgado : « Si l’humanité veut survivre, elle doit protéger la nature. Avec Instituto Terra, on a élargi notre projet de reboisement à toute la vallée du rio Dulce, qui a la taille du Portugal ! Le fleuve qui la traverse est condamné par l’extinction progressive des 250 000 sources faute d’arbres. Avec leurs branches, leurs racines, ceux-ci jouent un rôle de rétention, de réservoir d’humidité, de régulateur. Sans eux, pas de source. Pour faire comprendre le programme, on parle de « replanter des sources ».
Il est intéressant de noter que, comme pour Wangari Maathai, la « maman des arbres » kenyane, l’engagement de Sebastião Salgado en faveur de la reforestation est indissociable d’un engagement total, cohérent et militant au service de la préservation de la planète et de l’amélioration de la condition humaine des plus pauvres. Pour l’un comme pour l’autre, la reforestation est un combat vital, loin de tout gadget écolo. Lorsqu’il a été accueilli à l’Académie des Beaux-Arts au titre de son travail photographique en décembre 2017, Sebastião Salgado a fait graver sur son épée une patte d’iguane, un couple d’albatros enlacés et des arbres.
Voilà qui doit nous faire réfléchir et nous inspirer ! #inspirations