Retour sur les incendies de la Teste-de-Buch

Les incendies de Gironde de cet été ont marqué les esprits par leur violence et leur étendue. Les feux localisés dans la forêt de la Teste, autrement appelée Grande Montagne de La Teste ont révélé à la plupart d’entre nous une histoire particulière, celles des forêts usagères.

Déjà au Moyen-Âge

Au moyen-âge les paysans ont commencé à se battre et se révolter pour préserver leurs droits coutumiers à utiliser les ressources des forêts en opposition aux seigneurs locaux et aux pouvoirs royaux. Ces querelles souvent violentes sont représentatives des rapports de force croissants entre les populations. En effet la forêt était essentielle à la survie des agriculteurs et des éleveurs locaux : permis de glaner pour les animaux, chasse, pêche, récupération de bois pour fabriquer du charbon de bois, d’écorce pour le tannage, de tiges de saule pour la vannerie, ramassage de bois de chauffage ou de bois d’œuvre…

Une concurrence entre les besoins et les usages

La forêt représentait également des revenus substantiels pour les souverains et les seigneurs, surtout à partir de l’explosion de la demande en bois pour la construction de bâteaux ou de grans bâtiments. A cette époque, l’accès des paysans locaux, libre ou payant – sorte de taxe locale prélevée par le Seigneur- , au domaine forestier, était alors régi par des coutumes orales. Toutefois, avec l’augmentation de la pression démographique et des défrichements non organisés, les conflits se multiplient.

La forêt de la Teste-de-Buch datée de 1772

Les premiers contrats écrits d’usage de la forêt

A partir du 14ème siècle, les ordonnances étatiques de règlementation des forêts royales se multiplient, avec pour principal objectif la rationalisation de l’exploitation des arbres pour satisfaire les besoins militaires grandissants du pouvoir. Ainsi, les droits d’usage des forêts deviennent écrits et opposables à tous. Chacun peut y lire les quantités et volumes de bois autorisés à la coupe, et des catalogues de restriction d’utilisation des forêts. On peut laisser glaner ses troupeaux à certaines périodes de l’année , on ne peut ramasser du bois que pour certains usages ou encore on doit se cantonner à certaines zones pour exercer ses droits. . Les paysans se sentent évidemment spoilés et de nombreux conflits sont portés devant les tribunaux.

Dans les forêts seigneuriales, les droits des usagers sont déterminés à partir du 15ème siècle, dans des  contrats appelés « baillettes et transactions ». On y retrouve deux catégories d’usagers. « Les ayant-pins », propriétaires des parcelles et des arbres, habilités à pratiquer l’activité d’exploitation de la résine, le gemmage mais pas à commercialiser le bois, et « les non ayant-pins », autorisés à se fournir en bois de chauffage et en bois d’œuvre mais ne détenant aucun droit de propriété sur le sol.

Le cas très praticulier de la forêt de La Teste

Pour revenir au cas de la forêt de la Teste, sa situation est particulière car il s’agit de la seule forêt privée en France où les droits d’usage sont encore effectifs. La première baillette date de 1468. On peut y lire, que le seigneur à la tête du Captalat de Buch confirme le droit des habitants à pratiquer le gemmage moyennant redevance, à prendre du bois mort pour le chauffage et à couper du bois vert pour construire bateaux et cabanes. Les baillettes n’ont cessé d’évoluer au rythme des arrivées au pouvoir des nouveaux seigneurs du Captal. En 1535, par exemple, le captal Gaston III ferme l’accès à La Teste – dénommée Montagne- puis finit par rétablir les droits, en augmentant les taxes.

À la fin de l’Ancien Régime, les besoins commerciaux de bois deviennent tellement importants que les propriétaires de parcelles ne tolèrent plus les drois consentis aux usagers. Ils obtiennent des limitations de plus en plus grande des droits d’usage, sauf à la Teste, où en 1756, le Captal reconnaît, à perpétuité, « les tenans pins pour vrais et légitimes propriétaires de tout le domaine utile ». Il a même réaffirmé les droits d’usage des habitants par une transaction de 1759.

A partir de 1827, le code forestier encadre les usages autorisés dans les bois communaux ou domaniaux : glandée, pâturage ou encore affouage (ramasser du bois mort). Le statut de forêt usagère de la Teste-de-Buch, lui, a été maintenu. La pauvreté des bois et la fin de la valorisation de la résine sont certainement à l’origine de cet « oubli » de l’adminitration.

Une forêt pas assez entretenue

Non entretenue et non exploitée, cette forêt a été considérée ces dernières années comme un joyau naturel entre dune du Pyla et zones d’urbanisation. Les associations de défense de la forêt se sont opposées à l’entretien par la région des bois et à l’élargissement des pistes pouvant permettre l’intervention de gros engins en cas d’incendie. L’opposition n’était pas totale mais le dialogue était rompu entre les usagers et l’administration. On peut découvrir que toute décision préfectorale était attaquée devant les tribunaux alors que les rapports officiels exigeaient des mesures rapides d’entretien. Jusqu’à juillet 2022, aucune décision concrète n’a ainsi pu être prise.

Compte tenu des circonstances exceptionnelles de l’été 2022, on ne peut pas dire que l’absence d’entretien a provoqué l’incendie mais les dégâts -7000 hectares brûlés- auraient pu être moindre si la forêt avait été mieux entretenue.

Pour aller plus loin :

La forêt usagère de la Teste de Buch – Un fragile équilibre entre propriété et usage, Bruno Cinotti et Françoise Lavarde, janvier 2022.

– Un site complet sur la forêt usagère

à découvrir

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