On le sait tous, le dérèglement climatique a des conséquences dramatiques sur les grands équilibres écologiques, on le sait peut-être moins la multiplication d’épisodes de sécheresses estivales en France, et donc de stress hydrique, contribue au développement de maladies végétales peu répandues jusque-là. En particulier la maladie de la suie qui frappe les érables, essentiellement en zones urbaines et périurbaines, au risque de les condamner à mourir et de provoquer de graves problèmes respiratoires chez les humains. D’où l’importance de mieux connaître cette maladie de la suie, de mieux la détecter, de mieux savoir comment éventuellement la prévenir et lutter contre sa propagation.
La suie de l’érable : définition, symptômes, traitement
La maladie de la suie est provoquée par un champignon identifié sous le nom scientifique de Cryptostroma corticale, qui pénètre sous l’écorce par des blessures non cicatrisées (taille, choc). Il grignote le tissu ligneux, c’est-à-dire la “chair” de l’arbre, essentiellement après des étés chauds et secs.
Les symptômes de la maladie sont les suivants :
- Dessèchement de rameaux dont les feuilles s’enroulent et brunissent ;
- Chute des feuilles sur une partie ou la totalité du houppier en été ;
- L’écorce se boursoufle et se détache aisément laissant apparaître une couche de « suie noire » correspondant aux spores du champignon ;
- Le bois prend une coloration anormale, brun-verdâtre à jaune.
Les conséquences induites par la maladie sont doubles : d’un côté, les arbres fragilisés et condamnés à mourir présentent un risque fort de ruptures de branches ou même de chute. De l’autre, les spores du champignon étant extrêmement volatils, la maladie va rapidement coloniser d’autres arbres blessés du voisinage, et éventuellement provoquer chez les personnes fragiles un syndrome de détresse respiratoire. D’où la nécessité impérative de couper et d’incinérer les sujets malades (qui ne pourront être valorisés), en suivant des règles strictes pour éviter la contamination : coupe à effectuer l’hiver, quand l’humidité favorise la fixation des spores du champignon sur les écorces ; protection des agents opérateurs avec des masques filtrants et des combinaisons intégrales ; transport des arbres coupés sous bâche jusqu’au point d’incinération.
Une enquête pour mieux comprendre la progression de la maladie de la suie et son impact sur le patrimoine arboré français
Si l’on en croit le nombre d’articles et de reportages sur le sujet ces dernières années, la maladie de la suie est devenue un sujet majeur, voire un fléau, pour les municipalités condamnées à l’abattage systématique d’un nombre croissant d’érables, dans les parcs et jardins de leurs communes. Il est évident que les risques de contamination sont plus importants lorsque les sujets sont regroupés dans des milieux à forte densité humaine.
L’expert arboricole et ingénieur écologue David Happe s’est emparé du sujet et a piloté fin 2019 une enquête via les réseaux sociaux, visant à « recueillir de façon empirique les témoignages des professionnels et amateurs éclairés dans le domaine de l’arboriculture ornementale (élagueurs arboristes, formateurs, experts et gestionnaires arboricoles) », afin « d’établir une « photographie » de la progression actuelle de ce pathogène et de ses impacts sur le patrimoine arboré de l’hexagone ». Si cette étude n’a pas en soi de valeur scientifique, comme le précise David Happe, elle est cependant extrêmement riche d’enseignements :
1) La maladie touche tous les érables : l’érable sycomore (acer pseudoplatanus) est l’espèce la plus concernée (58 % des cas signalés), mais les autres érables autochtones et communs en France sont également impactés : 25 % des cas signalés ont concerné des érables planes (acer platanoides)et 11 % des érables champêtres (acer campestris). Enfin, 5% des cas signalés touchent des espèces allochtones.
2) La maladie est largement répandue en France : 8 foyers identifiés en 2006, 49 signalés dans l’enquête. La quasi-totalité des régions françaises (sauf la Corse) sont concernées, avec une plus forte prépondérance en Île-de-France (23 signalements) et en Auvergne-Rhône-Alpes (19). Un seul foyer en Bretagne.
3) Toutes les structures arborées sont concernées : mais les arbres situés dans un environnement urbain sont à priori les plus impactés. Dans 83% des cas, seuls 1 à 10 sujets sont infectés. Les arbres juvéniles semblent globalement moins touchés (9 % des signalements).
En conclusion de cette enquête, David Happe plaide pour une meilleure diffusion des connaissances sur la maladie de la suie et, insiste-t’-il dans un article publié sur Mediapart : « Au-delà, il importe également de mieux définir et partager les techniques à promouvoir pour prévenir et lutter contre la propagation de la maladie ». Dont acte.
Pour en savoir plus :
“Au chevet des arbres – Réconcilier la ville et le végétal ”, David Happe, Editions Les mots et le reste, Parution le 17 mars 2022
L’arrosage dans les municipalités et les jardins peut-il ralentir l’extension de la maladie ?
Bonjour, merci pour votre question. Les spécialistes sont d’accord. La sécheresse de plus en plus importante, favorise l’apparition de maladies et l’arrosage, malheureusement n’y fera pas grand grand chose..