Le 11 septembre, Hiroshima, Oradour, tant d’événements marquants qui ont laissé des hommes et des arbres comme témoins. Dans cet article nous retraçons l’histoire de quelques uns des arbres « mémoriaux » les plus connus.
Alain Baraton, jardinier depuis 40 ans à Versailles, et célèbre chroniqueur de radio et de télévision, ne cesse de plaider pour l’intégration des arbres à notre patrimoine : « Aussi fou que cela puisse paraître, s’indigne t’il, il n’existe aucun texte juridique qui protège efficacement et réellement les arbres ». Alors que selon lui, les arbres, parfois millénaires et souvent témoins d’une histoire révolue, mériteraient tous les égards, au même titre que les cathédrales !
Heureusement, parmi ces « arbres survivants », qui ont réchappé aux catastrophes humaines et naturelles comme aux ravages du temps, certains font l’objet d’une attention et même d’un culte qui en font quasiment des œuvres d’art.
Le « Survivor tree » du 11 septembre
Le 11 septembre 2001, l’attentat qui a provoqué l’effondrement des deux tours jumelles et la mort de 2977 personnes, a miraculeusement épargné un poirier de Chine (Pyrus calleryana). Enfoui sous les décombres, partiellement cassé et brûlé, il est toujours vivant ! Après des années de soins intensifs, il a été replanté en 2010 au cœur du Mémorial du 11 septembre comme « un symbole de résistance, de survie et de renaissance ». Et depuis, chaque année, des jeunes pousses du « Survivor Tree » sont offertes à des villes frappées par des attentats, des fusillades ou des catastrophes naturelles. En 2016, c’est Paris qui fut choisie en hommage aux victimes du Bataclan.
Le bonzaï qui a survécu à l’attaque d’Hiroshima
Si vous allez maintenant visiter le jardin botanique national de Washington DC, vous y découvrirez sans doute le bonzaï vieux de 400 ans que Masaru Yamaki, un spécialiste des bonzaïs originaire d’Hiroshima, a offert au jardin en 1976, en signe de l’amitié américano-japonaise. Rien d’extraordinaire jusque là, sauf que cet inestimable bonzaï est, comme la famille Yamaki, un rescapé de l’explosion nucléaire qui a fait, le 6 août 1945, 75 000 victimes à Hiroshima. Et sauf que son généreux donateur n’en a rien dit à l’époque, comme l’explique avec émotion le président américain de la Fondation nationale de Bonsaï, Felix Laughlin : « Je trouve incroyable que Masaru Yamaki puisse donner un bonsaï inestimable, basiquement à son ennemi et ne pas dire un mot à ce sujet ! ». Depuis que l’histoire est connue, beaucoup viennent se recueillir devant ce qui est devenu un symbole du pardon, de la réconciliation, de la paix.
Le « survivant aux quatre troncs » d’Ypres, en Belgique
Depuis 2011, l’Environmental Partnership Association (EPA) organise le concours de l’ « Arbre européen de l’année ». L’objectif est de mettre en valeur de vieux arbres, sélectionnés non pour leur beauté, leur taille ou leur âge, mais qui méritent d’être protégés parce qu’ils ont une histoire étroitement liée à celle des hommes. Parmi les finalistes de l’édition 2021, un châtaignier dont la souche a survécu à la destruction totale de la ville d’Ypres pendant la Première Guerre mondiale, avant de repartir sous la forme d’un arbre à quatre troncs, dont la circonférence à la base atteint aujourd’hui plus de 9 mètres. Considéré comme l’unique survivant de l’Ypres d’avant-guerre, il est célébré aujourd’hui comme un monument vivant des deux guerres mondiales et comme un symbole de la force de survie.
L’arbre qui a tout vu
Le 4 octobre 1992, un Boeing 747 d’El Al s’écrasait sur le quartier du Bijlmer, dans la banlieue d’Amsterdam aux Pays-Bas, tuant 43 personnes. Un arbre, situé tout près de l’impact a été étonnamment épargné, et, surnommé depuis « l’arbre qui a tout vu », il a été transformé en un sanctuaire où viennent se recueillir les personnes endeuillées.
Le chêne d’Oradour
Dans son ouvrage « Arbre de vie », Guy Deloeuvre nous interpelle ainsi : « Regarde bien ce chêne impassible qui se dresse au milieu des ruines. Ferme les yeux, et souviens-toi… Souviens-toi de ce paisible village du Limousin, dont le nom, Oradour-sur- Glane, vient du mot latin oratorium qui signifie lieu de prière pour les morts. Triste destin… Souviens-toi qu’en 1848, la population accueillit la République avec un tel bonheur qu’elle planta cet arbre sur la place de la Halle, en le surnommant « Chêne de la liberté ». Quel symbole aujourd’hui… Souviens-toi de ce matin du 10 juin 1944, quatre jours après le débarquement de Normandie. C’est jour de distribution de tabac, les enfants entrent à l’école, une belle journée de printemps qui s’annonce… ».
Le Tilleul du Joncquoy, l’arbre qui surmonté les épreuves du temps
Dans la petite commune d’Aubers, dans le Nord, les promeneurs viennent admirer un tilleul dont on dit qu’il aurait été planté au XVème siècle. Depuis son histoire est associée à une série de petits miracles qui lui ont permis de traverser les âges : en 1650, le village est pillé et livré aux flammes et les 3 autres tilleuls qui l’accompagnaient disparaissent ; en 1721, l’arbre prend la foudre et est fendu en deux ; en 14-18, il échappe aux obus ; en 1999 et 2011, il résiste à de violentes tempêtes. Et il est toujours debout !
Ce modeste florilège aura certainement réveillé en vous le souvenir d’« arbres survivants » que vous avez eu l’occasion d’admirer. Alors, n’hésitez pas à partager avec nous ces découvertes !