Réchauffement climatique : à l’assaut des forêts

Selon la FAO (Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture), 350 millions d’hectares de forêt sont brûlés chaque année par des incendies, soit six fois la superficie de la France. En cause notamment, le réchauffement climatique et ses vagues de chaleur qui surgissent de façon de plus en plus fréquente, intense et durable. Le nord-ouest des Etats-Unis et la Colombie-Britannique (Canada) ont été particulièrement touchés début juillet avec un « dôme de chaleur » très en-dessus des normales saisonnières, tandis que, plus près de nous, en Catalogne, le parc naturel du Cap de Creus était ravagé ces jours derniers par de violents incendies. Les incendies de forêts en Australie ou en Sibérie ont quant à eux fait la une des journaux en 2019 et 2020.

Ces épisodes de chaleur inhabituelle accompagnés d’incendies et de feux de forêts pourraient indiquer « qu’on a peut-être franchi un seuil dans l’effet que le réchauffement climatique a sur les événements extrêmes », explique Robert Vautard, directeur de l’Institut Paul-Simon Laplace, spécialisé dans les sciences du climat. De son côté, Météo France indique qu’« à l’horizon 2040, l’IFM (estimation du risque feu de forêt) moyen devrait progresser de 30 % par rapport à la période 1961-2000. Certaines simulations montrent que cette augmentation pourrait atteindre jusqu’à 75 % d’ici 2060 ». En France, ce sont la région méditerranéenne et le massif aquitain qui sont les plus exposés. Le phénomène est d’autant plus alarmant que les feux de forêt renforcent le réchauffement climatique, et vice-versa. Explication.

Cartographie nationale des zones forestière potentiellement sensibles aux incendies 1989-2008. Source : Météo France
Cartographie nationale des zones forestière potentiellement sensibles aux incendies modélisation 2040. Source : Météo France

Feux de forêt et réchauffement climatique, un cercle vicieux

D’un côté, qui dit réchauffement climatique dit augmentation du risque d’incendies de forêts, comme l’explique Mike Flannigan, chercheur canadien : « L’avenir est assurément enfumé (…) parce que les changements climatiques aggraveront les trois principaux facteurs qui influencent les incendies de forêt : avoir du combustible sec à brûler, des éclairs fréquents qui déclenchent les incendies et un temps sec et venteux qui attise les flammes ».  

Incendie en Tasmanie, en Australie (photo de Matt Palmer via Unsplash)

Les changements climatiques aggraveront les trois principaux facteurs qui influencent les incendies de forêt …

Et qui dit augmentation du nombre et de la violence des incendies, dit amplification du réchauffement climatique puisque les feux de forêts dégagent des gaz à effets de serre, à l’origine du réchauffement climatique. A titre d’exemple, il a été montré que les violents feux de forêt qui ont frappé l’Indonésie en 2015 ont dégagé en quelques mois autant de CO2 que les émissions de gaz à effet de serre en France en cinq ans ! Ajoutons à cela que les incendies affaiblissent les écosystèmes et leur capacité à absorber les émissions de CO2.

Emissions cumulées de Co2 provenant d’incendies en Indonésie source : The Guardian

Pour tenter de sortir de ce cercle vicieux, il est donc urgent de prendre des mesures pour tout à la fois ralentir le réchauffement climatique et réduire le risque d’incendie.

La forêt est le « poumon vert » de la planète

La forêt joue un rôle déterminant dans la lutte contre le réchauffement climatique du fait de sa forte capacité à absorber le carbone de l’atmosphère par la photosynthèse et à ensuite le stocker tout au long du cycle de vie des arbres : à titre d’exemple, la charpente de la cathédrale de Notre-Dame de Paris a stocké du carbone pendant 800 ans !  En France, près de 17 millions d’hectares de forêts captent 70 millions de tonnes de CO2, soit 15 % des émissions de gaz à effet de serre annuelles du pays. Véritable « poumon vert » de la planète, la forêt offre également un refuge à la biodiversité et est essentielle pour stocker l’eau, limiter l’érosion des sols, rafraîchir la température et purifier l’air.

Autre atout : le bois est une ressource naturelle et renouvelable, donc économe en émissions de carbone, qui peut venir remplacer des matériaux ou des énergies plus énergivores ou d’origine fossile comme le plastique, l’aluminium, l’acier ou le pétrole. A cet égard, la forêt a une capacité dite de « substitution ».

Gérer durablement les forêts pour lutter contre le réchauffement climatique

Au-delà des indispensables mesures visant à atténuer le nombre et la gravité des incendies de forêt (nettoyage, surveillance, interdictions de faire du feu, fermetures de forêts….), il importe d’adapter la gestion des forêts aux changements climatiques déjà à l’œuvre. La forêt française part avec des atouts, puisqu’elle jouit d’une grande diversité d’essences, de types de propriétés ou de modes de gestion, ce qui lui donne une bonne résilience face aux perturbations, sachant que la diversité des réactions face aux aléas atténue les risques. Mais le défi est de taille, puisqu’il s’agit aujourd’hui de préserver la vitalité des forêts françaises et d’assurer leur pérennité en fonction des nouvelles conditions de vie des arbres, liées au changement climatique.

C’est ce à quoi s’appliquent des équipes dédiées au sein de l’Office national des forêts (ONF) pour les forêts publiques ou de l’Institut de développement forestier (IDF-CNPF) pour les forêts privées. Parmi les nombreux projets de R&D menés par l’ONF on peut citer le projet Giono qui vise à « Accompagner l’exode climatique des arbres » en sélectionnant des chênes et hêtres du sud de la France, particulièrement exposés au changement climatique, pour les replanter plus au nord en forêt de Verdun (Meuse). Ou encore le projet Potenchêne qui étudie l’impact du changement climatique sur la reproduction des chênes.

Germination de chênes à la pépinière Guémené-Penfao dans le cadre du projet Giono © Nathalie Petrel / ONF

Pour Manuel Nicolas, responsable du réseau national de suivi à long terme des écosystèmes forestiers à l’ONF, « si on pouvait attendre quelques milliers d’années, la forêt retrouverait d’elle-même un équilibre. Mais les changements climatiques actuels font que l’on n’a pas le temps d’attendre. C’est aujourd’hui qu’il faut agir ! ».

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