Imaginer un écureuil faire le tour de la Méditerranée en sautant d’arbre en arbre, retrouver le temps où 80% de l’Europe était recouverte de forêts, c’est un peu le rêve fou d’Ernst Zürcher … Pas parce que les arbres sont décoratifs, mais plutôt parce qu’ils sont aujourd’hui gravement menacés, alors qu’ils pourraient devenir les meilleurs alliés de l’homme. C’est cette conviction, étayée par les plus récentes avancées de la science, qui sous-tend la démarche scientifique et pédagogique de ce très singulier amoureux des arbres.
La forêt comme terrain de jeu
Elevé dans un village de Suisse romande, à la lisière d’une forêt, Ernst Zürcher a grandi avec la forêt, elle est en quelque sorte son milieu naturel, constitutive de son ADN, et aujourd’hui encore il aime dormir sous les arbres à la belle étoile… Cette intimité originelle a développé en lui une connaissance très profonde de la forêt qui rejoint d’une certaine façon la puissance des mythes et des savoirs traditionnels. Mettre en mots cette compréhension charnelle du fonctionnement de la nature, étudier scientifiquement les savoirs traditionnels, c’est donc la voie de recherche, pour le moins atypique, qu’il s’est choisi.
Ernst Zürcher est aujourd’hui ingénieur forestier, docteur en sciences naturelles, professeur et chercheur en sciences du bois à la Haute École spécialisée bernoise, chargé de cours à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et à l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ), auteur de nombreux articles scientifiques,… et poursuit inlassablement la mission qu’il s’est fixée.
Un chantre de l’agroforesterie
A l’heure où l’industrialisation à outrance de l’agriculture génère une augmentation des gaz à effet de serre (GES), accélère la dégradation des sols et ruine la biodiversité, Ernst Zürcher nous invite instamment à reconsidérer la forêt comme un organisme vivant doté d’une intelligence collective et connecté avec le cosmos. Il en veut pour preuve le simple spectacle de ces géants de l’espace et du temps (certains ont plus de 5000 ans), qui, grâce à leurs bourgeons, développent et étendent une enveloppe vitale – au niveau de chaque arbre et au niveau de la forêt dans son ensemble, qui régule et dose les flux entrants et sortants, émet et reçoit des messages, interagit avec son environnement animal et végétal.
Il est donc urgent de renouer les liens brisés entre la forêt et les terres agricoles en réintroduisant des « rivières végétales » (arbres, haies ou cordons boisés), pour réintégrer les champs cultivés dans cette circulation intelligente de substances, d’énergies et d’espèces. Avec à la clé des bénéfices multiples en termes de régénération des sols, d’amélioration du bilan hydrique et de revitalisation des cultures. Wangari Muta Maathai, une autre personnalité inspirante avait d’ailleurs aussi utilisé ce procédé avec succès au Kenya avec son mouvement « ceinture verte » pour pérenniser les sols cultivables.
Un champ de recherche très ouvert
Ernst Zürcher va très loin dans ses recherches et explore des voies très nouvelles : impact du chant des oiseaux sur la croissance des végétaux, richesse des processus chimiques intra-racinaires et bénéfices de la « forêt jardinée », chronobiologie des arbres, similitude des fréquences électromagnétiques entre les arbres et les humains en état de méditation, impact sensoriel de l’arbre sur la qualité de vie, vertus pour la santé des terpènes (hydrocarbures naturels que dégagent les pins sylvestres entre autre), … Avec toujours la volonté de valider ou d’élucider scientifiquement des savoirs traditionnels : par exemple, chez les Celtes, couper un if sacré était la pire des profanations, pourquoi ?
Former des « médecins de la Terre », en première ligne de la transition écologique
Ernst Zürcher travaille enfin avec deux fondations suisses pour concevoir un cursus de formation professionnelle sur 3 ou 4 ans directement orienté sur les grands projets de reboisement. Au programme : biologie des sols et des arbres, climatologie, permaculture, gestion de pépinières, etc. Une formation d’avenir, dont pourraient en particulier bénéficier les réfugiés climatiques, premières victimes du dérèglement climatique.
Voilà donc un homme dont la vision est extrêmement riche et porteuse de solutions pour l’avenir de la planète, et qui, nous l’espérons, vous aura transmis son envie de « transformer la terre grâce à nos amis les arbres qui n’attendent que cela » ! Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire son passionnant ouvrage, « Les Arbres, entre visible et invisible », qui est récemment sorti en édition de poche, et dont le sous-titre « S’étonner, comprendre, agir » sonne comme une invitation à se mobiliser.
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