Partout dans le monde, les campagnes de reforestation massive sont à l’ordre du jour. Tout se passe comme si les arbres étaient devenus les ultimes sauveurs de la planète, les garants de la survie de l’Homme sur terre.
Mais attention, préviennent les spécialistes : planter oui, mais pas n’importe comment !
Parmi eux, le botaniste japonais Akira Miyawaki, qui pratique l’écologie rétrospective appliquée à la restauration des forêts natives. Mais quelle est donc cette fameuse « méthode Miyawaki » qu’il a mise au point ?
Akira Miyawaki et le concept de « végétation naturelle potentielle »
Né en 1928 et mort en juillet 2021, le docteur Akira Miyawaki est un botaniste japonais, spécialisé en écologie végétale et spécialiste des graines. De 1956 à 1958, il part en Allemagne travailler aux côtés du Professeur Reinhold Tuexen, qui dirigeait alors l’Institut fédéral pour la cartographie de la végétation. C’est là qu’il découvre le concept de « végétation naturelle potentielle » qui sera au coeur de sa méthode. La « végétation naturelle potentielle » est celle qui pousserait spontanément si la main de l’homme n’était pas venue perturber sa naturalité.
De retour au Japon, Akira Miyawaki, se lance dans un important travail comparatif de cartographie de la végétation actuellement existante et de la végétation naturelle potentielle. Le tout réuni dans un ouvrage en 10 volumes et plus de 6000 pages de commentaires. La conclusion est sans appel : seulement 0,06% des forêts contemporaines du Japon sont indigènes ! Akira Miyawaki en est convaincu : pour – vraiment – sauver la planète, il est urgent (et tout à fait possible) de reconstituer les habitats naturels dégradés par la main de l’homme. Ces forêts poussent beaucoup plus vite, puisqu’il faut trois ans seulement pour restaurer un écosystème forestier. Et elles font preuve d’une bien meilleure résilience écologique, notamment face aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques.
Akira Miyawaki se lance alors dans la constitution minutieuse d’une banque de graines rassemblant plus de dix millions de graines. Elles proviennent pour la plupart des restes de forêts naturelles conservées autour des temples et des cimetières traditionnels japonais. Puis, sur cette base, il propose le déploiement d’un plan de restauration des forêts indigènes au Japon.
La méthode Miyawaki
C’est ainsi qu’est née la méthode de génie écologique dite « méthode Miyawaki ». Son objectif est de restaurer des forêts indigènes à partir d’arbres natifs sur des sols sans humus, très dégradés ou déforestés. Une technique effectivement très « méthodique » dont le succès exige le respect d’une stricte procédure :
- Etude initiale rigoureuse du site et de la végétation naturelle potentielle lui correspondant,
- Germination en pépinières de graines d’essences natives,
- Préparation du substrat, surtout s’il est très dégradé,
- Plantation dense, visant à favoriser la communication racinaire, limiter la croissance d’herbes adventices (et donc l’entretien de la forêt) et créer une situation de compétition vertueuse pour la lumière, l’eau et les nutriments.
Les résultats de sa méthode
Depuis le début des années 70, Akira Miyawaki et ses collaborateurs ou partenaires ont couvert avec succès plus de 1 300 sites avec des forêts multistrates entièrement composées d’essences indigènes. Cela dans des zones particulièrement risquées ou difficiles (par exemple les zones exposées aux tsunamis ou aux cyclones). Il s’est ensuite consacré à la restauration des forêts tropicales humides, notamment en Malaisie. Au final, le botaniste japonais a planté plus de 40 millions d’arbres dans quinze pays du monde. Depuis quelques années, la méthode Miyawaki connaît un réel engouement en Europe de l’Ouest. Cela notamment à l’initiative de la société belge Urban Forest, spécialisée dans la création de « forêts urbaines participatives 100 % naturelles et rapides selon la méthode Miyawaki ».
le botaniste japonais a planté plus de 40 millions d’arbres dans quinze pays du monde
Le développement des micro-forêts urbaines en France
La première forêt Miyawaki a été plantée en France en mars 2018 par l’association Boomforest en partenariat avec la ville de Paris. Près de 1 200 plants d’une trentaine d’espèces ligneuses ont été plantés sur une portion de 400 m2 d’un talus du boulevard périphérique à la porte de Montreuil (Paris 20ème). Même opération l’année suivante à la Porte des Lilas (Paris 20ème), puis dans le quartier des Hauts de Malesherbes (Paris 17ème), sur le campus de l’université de Nanterre, à Cergy-Pontoise et à Lyon. Ailleurs en France d’autres projets, souvent citoyens et participatifs, sortent de terre, comme à Toulouse, Bordeaux, dans le Jura, le Tarn, le Bas-Rhin ou encore l’Oise.
Les micro-forêts créées avec la méthode Miyawaki sont-elles vraiment LA solution ?
Face à une méthode qui promet des miracles pour les micro-forêts urbaines, des voix plus sceptiques se font cependant entendre… Quid du coût de l’énorme sélection naturelle liée à l’hyper-compétition entre les jeunes plants ? Une étude menée sur l’efficacité de la « méthode Miyawaki » fait état de 61 à 84 % de mortalité des arbres 12 ans après la plantation. Il faut le savoir. Quid de la complexité et de la richesse de l’écosystème végétal et animal d’une « vraie » forêt ? N’y aurait-il pas une surenchère de promesses marketing ? Comme toujours, il faut raison et rigueur garder. Avant tout pour ne pas dévoyer la richesse et l’exigence originelles de la méthode Miyawaki. Mais aussi pour ne pas dépenser des millions au service d’une illusion : une forêt centenaire qui pousserait sur du béton en trois petites années, est-ce que ça existe vraiment ? #inspirations