La chenille processionnaire en France, attention danger !

Connaissez-vous les « Souvenirs entomologiques » de Jean-Henri Fabre, un naturaliste de génie mondialement célèbre pour les 4000 pages qu’il a consacrées de 1879 à 1907 à la description méticuleuse des insectes ? Parmi ses objets d’étude et de fascination, la chenille processionnaire, un petit insecte poilu qui provoque un affaiblissement important des arbres et des réactions urticantes fortes et potentiellement dangereuses chez l’homme et l’animal.

Qu’est-ce que la chenille processionnaire ? Quels dangers pour l’arbre, l’homme et l’animal ? Comment s’en prémunir ? On vous explique tout !

Qu’est-ce que la chenille processionnaire ?

La chenille processionnaire est la larve d’un papillon de nuit, qui prend la forme d’une chenille pouvant mesurer jusqu’à 40 millimètres de long. On rencontre en France deux types de chenilles processionnaires qui ont chacune leur cycle biologique :

–   La chenille processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa) dont le cycle biologique s’étale sur environ un an : les papillons femelles, qui éclosent durant l’été, entre juin et septembre selon le climat, pondent leurs œufs par centaines sur les rameaux ou les aiguilles de diverses espèces de pin, sapins ou cèdres. L’éclosion a lieu cinq à six semaines après la ponte et donne naissance à des larves (chenilles) qui muent cinq fois ce qui leur permettra de grandir de quelques millimètres à 4 centimètres. Ces étapes ont lieu dans des nids lâches en été, puis, à partir de la quatrième mue, dans des nids d’hiver tissés de plus en plus denses, et situés dans des endroits bien exposés comme la cime ou l’extrémité des branches. Elles en sortent en procession pour se nourrir quand il fait plus chaud. Au printemps (mars-avril), toutes les chenilles d’un même cocon quittent leur nid, toujours en procession, pour s’enfouir dans le sol et accomplir leur  lente transformation en papillons adultes.

Nid de la chenille processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa) sur un pin

–   La chenille processionnaire du chêne (Thaumetopoea processionea ), dont le cycle est caractérisé par une génération d’individus par an, se trouve désormais dans la moitié nord de la France. Les papillons émergent pendant l’été de fin juillet à fin août, et se reproduisent rapidement en raison de leur faible espérance de vie (un à deux jours). La femelle dépose ensuite une ponte unique contenant une centaine d’œufs sur des rameaux de chêne. Les œufs restent en place jusqu’au printemps suivant, et n’éclosent que vers le mois de mai, au moment du débourrement des chênes. Les larves (chenilles) traversent six stades successifs caractérisés par une augmentation croissante de leur taille. Durant les deux premiers stades, elles restent à l’endroit de la ponte, où elles se nourrissent des jeunes feuilles de chêne venant de débourrer. A partir du 3ème stade larvaire, elles deviennent plus mobiles, et se mettent à tisser de véritables nids dans lesquelles elles s’abriteront le jour et qu’elles quitteront la nuit en procession pour aller se nourrir. A la fin du 6ème stade les chenilles commencent à se nymphoser, et tissent un cocon de soie, la chrysalide, de laquelle, une quarantaine de jour plus tard les papillons émergent.

Exemple de nid de la chenille processionnaire du chêne (Thaumetopoea processionea) sur le tronc d’un chêne.

La procession comme mode de déplacement

Écoutons Jean-Henri Fabre nous décrire les processions de chenilles :  « Elles cheminent sur un seul rang, en cordon continu, chacune touchant de la tête l’arrière de la précédente. Les sinuosités complexes que décrit, en ses vagabonds caprices, la chenille ouvrant la marche, toutes les autres scrupuleusement les décrivent. Jamais théorie antique se rendant aux fêtes d’Eleusis ne fut mieux coordonnée. D’où le nom de processionnaire donné à la rongeuse du pin. Son caractère se complète en disant qu’elle est funambule sa vie durant ; elle ne marche que sur la corde tendue, sur un rail de soie mis en place à mesure qu’elle avance. La chenille en tête de la procession par le hasard des événements bave son fil sans discontinuer et le fixe sur la voie que lui font prendre ses mobiles velléités. C’est si menu que le regard armé d’une loupe le soupçonne plutôt qu’il ne le voit. Mais la seconde arrive sur la subtile passerelle et la double de son fil ; la suivante la triple ; toutes les autres, tant qu’il y en a, engluent le jet de leurs filières, si bien que, lorsque la procession a défilé, il reste, comme trace de son passage, un étroit ruban dont l’éclatante blancheur miroite au soleil. Elles déposent sur leurs voies un doux rail de satin, ouvrage d’intérêt général où chacune apporte sa contribution d’un fil ».

Chenilles processionnaires en pleine construction d’un nid !

Attention, danger !

Dans un article paru dans le journal La Croix en avril 2019, le journaliste Denis Sergent affiche la même fascination : « Le tout, en file indienne, plus ou moins serpentiforme, à la queue leu leu, par contact direct… et en silence. Un spectacle saisissant, très impressionnant, mobilisant près de 200 chenilles. Un phénomène naturel, se mouvant à 9 cm/min, qui, semble-t-il, n’existe que chez cette espèce de papillon. Cette migration terrestre est réglée comme du papier à musique. Si, expérimentalement, on rompt ce cordon vivant, la partie avant s’arrête puis recule, tandis que le segment arrière accélère pour se reconnecter. Un bel exemple de grégarité et solidarité poussés à l’extrême ».

Mais attention, la chenille processionnaire est dangereuse. Pour l’arbre qui l’héberge d’abord, puisqu’elle se nourrit des aiguilles ou feuilles, en milieu forestier et urbain comme dans les jardins. Ce qui provoque une fragilisation des arbres et un ralentissement de leur croissance, et aggrave leur sensibilité aux attaques d’autres insectes xylophages ainsi qu’au stress hydrique et thermique. Mais surtout pour l’homme et l’animal, puisque, à partir de leur 3ème stade de développement, les chenilles développent des plages de micro-filaments de soie très irritants sur chaque segment dorsal. Une seule chenille peut porter 1 million de ces poils, porteurs d’une toxine, la thaumétopoéïne, qui peut provoquer chez les chiens, les chevaux ou les humains de graves réactions allergiques : réactions voire lésions cutanées, troubles respiratoires, troubles de la coagulation, lésions des muqueuses, œdèmes, chocs anaphylactiques… « Quand on se gratte, la soie se casse en minuscules morceaux. Les fragments pénètrent la peau et provoquent de graves urticaires », explique ainsi Jean-Claude Martin, directeur de l’unité expérimentale Entomologie et forêt méditerranéenne de l’INRA. Enfin, il faut noter que les poils urticants des chenilles processionnaires ont une durée de vie indépendante de celle de l’insecte, puisqu’ils restent dangereux de dix‑huit mois à deux ans selon les services de l’Office national des forêts (ONF).

La chenille processionnaire du chêne est urticante du printemps jusqu’au début de l’été ; la chenille processionnaire du pin de l’automne jusqu’au printemps.

Thaumetopoea pityocampa mâle après le stade larvaire, Gastes, Landes (2003)

Comment se prémunir contre la chenille processionnaire ?

La lutte contre la chenille processionnaire est devenue un enjeu de santé publique, d’autant plus qu’avec le réchauffement climatique la zone d’implantation des chenilles du pin ne cesse de s’étendre sur le territoire national, tandis que la chenille du chêne fait de plus en plus de ravages. Au point que, selon les experts de l’ONF, « l’intensité du phénomène peut nécessiter la mise en place de mesures spécifiques comme le report de travaux en forêt pour protéger les personnels forestiers, ou l’interdiction pour les promeneurs d’accéder à certaines zones dans lesquelles la prolifération des chenilles est importante ». L’ONF a dressé un ensemble de recommandations pour les zones infectées :

  • respecter les interdictions de circulation dans les forêts ;
  • ne pas s’approcher des nids, ne pas les toucher ;
  • éviter les pique-niques au pied des arbres où se trouvent ces nids ;
  • ne pas laisser les animaux de compagnie s’approcher des nids ;
  • porter des vêtements longs lors de balades en forêt ;
  • ne pas étendre de linge dehors ;
  • être vigilant au moment de la tonte des gazons.

L’ONF recommande aussi d’installer des nichoirs à mésanges : « Sédentaire sur notre territoire, la mésange charbonnière est la « mangeuse de chenilles processionnaires » par excellence, avec une consommation familiale de 500 chenilles par jour. Poser des nichoirs à mésanges, dès l’automne voir hiver, près des zones habituellement infestées, peut s’avérer efficace. Le nichoir, avec une ouverture de 32 millimètres, doit être installé entre 2,5 à 3,5 mètres de hauteur sur le tronc et doit être exposé au sud-est à l’abri des vents dominants. Les chauves-souris, les araignées, le coucou gris sont aussi consommateurs des papillons ou des chenilles processionnaires ». Vous pouvez aussi recourir à des écopièges, des gouttières entourant l’arbre et percées d’un trou tubé qui vont capturer les chenilles de pin lorsqu’elles processionnent vers le sol, au cours du printemps.

Les mésanges sont de redoutables prédateurs pour les chenilles processionnaires (ici celle du pin)

Pour venir à bout des chenilles, des méthodes plus radicales existent, et qui nécessitent de préférence l’intervention d’un professionnel : la destruction des nids, qui peut se pratiquer dès le mois d’août-septembre, une fois que les œufs ont éclos, et avant que les larves n’aient acquis leurs propriétés urticantes ; ou le traitement à base de bacille de Thuringe (bT), qui doit être pulvérisé par voie aérienne ou terrestre, dans le respect des réglementations, de façon à recouvrir et enrober les branchages auxquels les chenilles vont s’attaquer pour se nourrir (elles mourront quelques jours après avoir ingéré le produit).

Vous échapperez ainsi aux méfaits de la chenille processionnaire, tels que les décrit si bien Jacques-Henri Fabre : « Penché toute une matinée, sans méfiance, avec une loupe, sur mes bêtes, j’eus, pendant vingt-quatre heures, les paupières et le front rubéfiés, endoloris par un prurit encore plus cuisant et plus tenace que celui de la piqûre de l’ortie. En me voyant descendre, pour le dîner, en piteux état, les yeux gonflés et rougis, le visage méconnaissable, on s’inquiétait autour de moi, me demandant ce qui m’était arrivé ». 

Mais c’était le prix à payer, car, ajoute-t-il : « Non, tout n’est pas rose dans la recherche de la vérité sur le dos de la Processionnaire ! ».

à découvrir

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COMMENTAIRES

  1. La chenille processionnaire en France, attention danger !

    La photographie « Nid de la chenille processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa) sur un cyprès » me semble avoir été prise sur un pin.

    Cordialement,

    Berthier Plante

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