En octobre 2018, une violente tempête traversait les Dolomites en Italie, faisant sur son passage des ravages considérables : en quelques heures 100 000 m 3 de mélèzes, de pins et d’épicéas étaient mis à terre par le vent, soit l’équivalent de trois ans d’abattage. Un drame pour les bûcherons de la région, mais aussi pour les luthiers car c’est là, dans une forêt du Val di Fiemme, dite « la forêt Stradivari », que l’on trouve le précieux bois qui sert à fabriquer les violons. Retour sur les secrets d’un savoir-faire dont la tradition s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui.
Tout commence en Italie, à Crémone, au XVIème siècle
C’est le luthier Andrea Amati qui inventa le violon aux environs de 1560 à Crémone, en retravaillant la forme de la viole de gambe et en utilisant un assemblage unique de bois de grande qualité. A sa suite, une prestigieuse lignée de luthiers perpétua et développa son art, faisant de Crémone la capitale européenne de la lutherie. Parmi les élèves de la famille Amati, Antonio Stradivari est devenu la référence absolue en matière de fabrication des instruments à cordes. Au point que les spécialistes du monde entier cherchent encore à percer le secret de l’exceptionnelle « voix » des stradivarius…
L’épicéa de résonance et l’érable ondé
La fabrication artisanale d’un violon obéit à des règles précises et requiert quelques 300 heures de travail pour assembler environ 80 pièces d’un choix de bois qui n’a quasiment pas évolué depuis le XVIème siècle : la structure du violon associe essentiellement deux espèces communes, l’épicéa et l’érable, que l’on trouve dans les régions froides et montagneuses. L’épicéa dit « de résonance », pour sa grande capacité à transmettre les ondes sonores, est utilisé pour la barre, la table d’harmonie, l’âme, les contre-éclisses, les tasseaux et les coins. L’érable ondé, soigneusement sélectionné (un arbre sur 800 est « ondé ») pour ses qualités esthétiques et acoustiques, compose la plus grande partie de la structure : le fond, les éclisses, le chevalet, le manche et la volute. A cela s’ajoutent des essences plus chaudes comme l’ébène, le buis ou la palissandre pour les accessoires (touche, chevilles, cordier, bouton). De cette subtile association de légèreté, de solidité, de résistance, d’esthétique et de résonance, naîtra des mains du luthier la voix unique du violon : on comprend alors pourquoi le savoir-faire traditionnel du violon à Crémone (en italien : « Saperi e saper fare liutario della tradizione cremonese ») a été déclaré au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2012 !
Il faut sauver le bois de résonance !
Après la tempête Adrian de 2018 qui a dévasté les forêts du Nord de l’Italie, les entreprises locales de bûcheronnage se sont fortement mobilisées pour sauver un maximum du précieux bois d’épicéa avant le printemps qui ramène avec lui la chaleur, la moisissure et les insectes. Elles ont même lancé une campagne de financement participatif pour les soutenir dans cette intervention menée dans l’urgence : 230 000 euros ont été recueillis qui ont permis de sauver 3000 troncs d’arbres ! Une générosité qui a révélé l’intérêt du grand public pour la sauvegarde de la lutherie italienne. Et une mise en lumière tout à fait bienvenue à une époque où la lutherie de Crémone, et plus largement européenne, est fragilisée à la fois par la réduction du marché et par la montée en puissance de la concurrence chinoise, qui respecte peu les réglementations en termes de développement durable (déforestation) et qui a complètement industrialisé les procédés de fabrication.
Si vous voulez en savoir plus sur la lutherie et le bois de lutherie, nous vous invitons vivement à lire deux ouvrages :
« Stradivarius, sa vie et ses instruments », une passionnante biographie écrite en 2012 par Henri Pigaillem, sans équivalent par la richesse de sa documentation et des références historiques qu’elle contient.
« La forêt aux violons », un roman de Cyril Gely, publié en octobre 2020, qui raconte comment, dans sa quête de perfection, Antonio Stradivari fit cinq voyages dans les « Montagnes roses », jusqu’à découvrir ce qui deviendra la fameuse forêt Stradivari.
J’ai 76 ans et suis très heureux d’avoir collectionné les disques vinyles de Musique Classique ( 400 000 disques) dont beaucoup de Violons.
Faire écouter aux luthiers les musiques naturelles des arbres vivants pour comparer les différences des niveaux vibratoires entre les musiques naturelles des plantes et la musique artificielle produite par les instruments de musique.