Inondations : des arbres pour réduire les risques ?

Dans une interview publiée dans Le Monde le 16 octobre 2018, la géographe et maîtresse de conférences à l’Ecole normale supérieure, Magali Reghezza-Zitt, prévenait : « Il manque, au niveau national, une volonté forte, pour impulser une politique sur la réduction des risques liés aux inondations. Le sujet n’apparaît pas dans le débat démocratique alors qu’il concerne énormément de monde. Il y a aussi une responsabilité des citoyens, qui, tant qu’ils n’ont pas été touchés, refusent de prendre les mesures nécessaires, souvent coûteuses, faisant parfois pression sur leurs élus ».

Les violentes inondations qui ont touché la Belgique et l’Allemagne ces derniers jours viennent hélas confirmer ces inquiétudes et ces mises en garde, comme celles de toutes les voix qui s’expriment sur le sujet depuis des années. Pointant notamment du doigt la déforestation et l’urbanisation excessives qui contribuent à la violence des épisodes d’inondations.

La responsabilité humaine au cœur du débat sur les inondations

Le bilan des inondations dévastatrices qui ont déferlé sur l’Europe de l’Ouest s’élève à 169 morts pour l’Allemagne, dont 121 pour l’Etat de Rhénanie-Palatinat, et 31 pour la Belgique. La chancelière Angela Merkel qui s’est rendue sur place l’a amèrement constaté : « Ce sont des inondations qui dépassent l’imagination quand on voit leurs effets sur place ». Elle a dans la foulée appelé à accélérer la mise en place d’une politique pour freiner le réchauffement climatique, dont le rôle dans ce type de catastrophe naturelle est aujourd’hui unanimement reconnu : « Le réchauffement climatique n’est plus seulement un danger pour les générations futures, mais bien une menace bien présente, imminente et globale. Il faut donc agir ».

Une position clairement confirmée dans le Guardian par Carlo Buontempo, qui dirige le département Réchauffement climatique du Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF) :« Avec le changement climatique, nous prévoyons que tous les événements météorologiques extrêmes deviendront plus extrêmes encore. Ce que nous venons de voir en Allemagne colle à cette tendance mondiale ».Quant à Hannah Cloke, professeur d’hydrologie à l’Université britannique de Reading, elle fait ce triste et sévère constat : « Le fait qu’autant de personnes meurent dans des inondations en Europe en 2021 représente un échec monumental du système ». 

L’impact de la déforestation et de l’artificialisation des sols

Beaucoup d’experts s’accordent aujourd’hui à dire que l’artificialisation des sols, souvent associée à des actions de déforestation massive (elles-mêmes participant au réchauffement climatique), constitue un facteur largement aggravant de la violence des inondations. Dans une video publiée sur Facebook le 6 janvier 2020, le canadien Yanick Thomas explique très simplement comment « 9 fois sur 10, les inondations ne sont pas des catastrophes naturelles, mais des catastrophes artificielles provoquées par l’homme ». La forêt, les haies et les fossés permettent en effet de retenir les eaux de pluie excessives, de les laisser s’infiltrer dans les sols, d’éviter les phénomènes de ruissellement extrême, et donc de réduire les risques et les dégâts en cas d’inondation et de limiter les effets de la sécheresse. Inversement la déforestation et l’artificialisation des sols (bétonisation et imperméabilisation) souvent liées à l’urbanisation et la péri-urbanisation, accroissent considérablement le ruissellement des eaux, ce qui fait monter le niveau des rivières et inonde les zones situées en aval. Cela d’autant plus que le changement climatique accroît la violence des épisodes météorologiques.

Le moment est donc plus que venu de repenser les politiques d’aménagement du territoire au regard de la transition écologique, et en particulier de se pencher sérieusement sur la question de la forêt. Le sujet n’est pas nouveau puisqu’en 1995, la Revue de Géographie Alpine publiait un long article consacré au « Débat autour du déboisement dans le département des Basses-Alpes, France (1819-1849) », considéré alors comme la cause majeure des inondations et de la perte de terres cultivées !

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