En 1976, le chanteur William Sheller évoquait dans une jolie chanson les « collages à la gomme arabique » de son carnet à spirale, provoquant un regain de curiosité pour ce produit aux accents à la fois désuets et exotiques. L’intérêt pour les « larmes d’or » ou la « poudre d’or » de l’Afrique remonte pourtant à des temps immémoriaux puisque dès l’âge de pierre la gomme arabique était utilisée comme aliment au Sahara et comme adhésif en Afrique.
Aujourd’hui, ce produit bio, naturel et non issu de la culture OGM fait son grand retour. Avec une palette très large d’applications, dans des secteurs aussi variés que le textile, la peinture, l’industrie papetière, l’agro-alimentaire, l’œnologie, la cosmétique, la pharmaceutique ou les produits nutraceutiques.
Un émulsifiant naturel
On appelle gomme arabique, un exsudat naturel de gomme produit au niveau des troncs et des branches d’arbres des Acacias Seyal ou Sénégal selon le Codex Alimentarius. L’Acacia Sénégal est l’espèce à l’origine de 90 % de la production mondiale. Cette sécrétion se fait soit naturellement lorsque l’arbre subit des atteintes physiologiques pendant la période la plus chaude et la plus sèche de l’année (vent, animaux, insectes…), soit artificiellement en provoquant des saignées dans un but de récolte, durant 6 mois (de décembre à juin). Les principales zones de culture sont situées en Afrique avec le Sénégal, le Tchad, la Mauritanie et le Soudan. Du point de vue de sa structure chimique, la gomme arabique est un hydrocolloïde polysaccharidique, doté d’intéressantes propriétés émulsifiantes, stabilisantes et épaississantes.
Utilisée pour bander les momies
Dans une note publiée en 2016, la CNUCED (Conférences des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement) retraçait en ces termes l’histoire de la gomme arabique et de ses usages : « La gomme arabique est certainement la plus ancienne et la plus connue des gommes. Les Egyptiens la connaissaient sous le nom de kami. Son utilisation pour le bandage des momies remonterait à 2 650 avant JC. Les Hottentots de l’Afrique australe pouvaient survivre plusieurs jours sans rien ingérer d’autre que des gommes (Grieve, 1931). La médecine traditionnelle fait grand cas de ces gommes, utilisées comme calmant et agent adoucissant. Le manuscrit d’Ebers, un papyrus médical rédigé vers 1550, propose l’emploi de la gomme arabique comme moyen de contraception en association avec des dattes. La gomme entre aussi dans la préparation de médicaments destinés à soigner la toux, les hémorragies, les inflammations. Les Européens, Français et Anglais, ont découvert la gomme arabique sur les côtes sénégalaises et mauritaniennes au 15ème siècle. Au 18ème siècle, une « guerre de la gomme sanglante et acharnée » permet à la France d’obtenir le monopole de son commerce sur la côte ouest africaine (Dandoy, 1996) ». La France représente encore aujourd’hui le principal importateur de gomme arabique avec presque 35 000 tonnes / an.
Une source de fibres et bien plus
La gomme est utilisée en Afrique dans des préparations alimentaires, dans la pharmacopée traditionnelle, mais aussi dans la fabrication d’encre, de peinture, ou la réalisation de crépis et toitures. En Europe, son champ d’application est très vaste. Dans le domaine agroalimentaire, elle est normalisée sous le sigle E414, et sert d’épaississant dans la confiserie et l’alimentation. Elle est également utilisée comme liant pour les soft drinks ou dans certaines boissons comme le pastis ou le sirop d’orgeat, ou encore dans le vin rouge, dont elle permet de réduire l’astringence. Elle est de plus en plus consommée comme un complément alimentaire (sous forme de gélules ou de poudre) aux précieuses vertus du fait notamment de sa richesse en fibres.
La gomme arabique a beaucoup d’autres utilisations (à commencer par le collage des étiquettes, des enveloppes, des timbres, ou la fabrication des feuilles à rouler pour les fumeurs) dans le domaine textile, la construction, la peinture, la photographie, la teinture,…
En cosmétique, la gomme arabique est utilisée pour ses propriétés filmogènes. En se mélangeant avec l’eau elle forme une sorte de gel qui améliore la texture des produits. Elle permet donc de renforcer la tenue des maquillages comme le fond de teint, le mascara ou encore l’eye liner. Tout en jouant le rôle d’un émollient qui adoucit et assouplit la peau.
Au centre d’un cercle vertueux écologique
En 2020, la CNUCED (Conférences des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement) publiait dans la série « Coup d’œil sur les produits de base » une édition spéciale consacrée à la gomme arabique. L’objectif étant d’étudier la pertinence économique, sociale et environnementale du secteur de la gomme arabique pour le développement durable de l’Afrique centrale et occidentale. Conclusion : « En raison de son potentiel pour générer des réserves en devises, assurer la sécurité alimentaire, promouvoir une agriculture et une foresterie durables, et lutter contre la désertification et le changement climatique, la gomme arabique est un produit de base prometteur pour un certain nombre de pays d’Afrique subsaharienne ».
Le développement de la filière gomme arabique s’inscrit également dans le projet de Grande muraille verte qui vise à reboiser une bande de 8 000 kilomètres de long, du Sénégal à Djibouti, du Sahel au Sahara, en faveur de l’environnement et du développement économique. Pour Aliou Guissé, écologue et pionnier de l’initiative, « il y a aujourd’hui une ruée vers la gomme arabique issue de l’acacia Senegal. Et nous avons tenu compte de cela pour améliorer les conditions de vie des populations, et nous savons que ça marche ! ».
Oui, la gomme arabique ça marche, et c’est bon pour les Hommes et la planète !