Au moment où une première vague de froid s’abat sur la France, les journaux télévisés ressortent de derrière les fagots un bon vieux marronnier : le poids de la facture annuelle de chauffage dans le budget des ménages. Un marronnier ? Pas tout à fait, tant les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires, climatiques et même géopolitiques du choix du mode de chauffage sont complexes.
Zoom sur les forces et les faiblesses du chauffage au bois de plus en plus plébiscité par les Français.
La place du bois dans le mix énergétique en France
Selon un document (pdf) conjointement publié en 2019 par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et France Bois Forêts, la production de chaleur absorbe 42% des besoins énergétiques du pays, dont plus de 80 % provient encore aujourd’hui d’énergies fossiles telles que le gaz naturel, le fioul ou le charbon. Or, avec la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte adoptée en 2015, la France s’est engagée à atteindre, à l’horizon 2030, 32 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale brute d’énergie, avec un sous-objectif de 38 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale de chaleur.
Le bois, qui représente 40 % des énergies renouvelables produites en France, soit 9 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), semble constituer un levier très prometteur de cette transition écologique et énergétique. D’autant plus qu’au regard de la hausse sans précédent des coûts du gaz et de l’électricité, l’écart de prix ne cesse de se creuser. Déjà en 2019, une étude publiée par Effy, un organisme spécialiste de la rénovation énergétique, avait montré que, ramené au mètre carré, le chauffage au bois (5,8 euros/m² par an) était deux fois moins cher que celui au gaz (11,7 euros/m²) et au fioul (12,9 euros/m²), et trois moins cher que l’électricité (15,9 euros/m²).
On comprend dans ces conditions pourquoi aujourd’hui en France environ 7,4 millions de résidences sont équipées d’un chauffage au bois, contre 6 millions seulement au début des années 2000. Une tendance que la sédentarisation liée au confinement n’a fait qu’accentuer, surtout en zone rurale ou péri-urbaine, comme un vieux rêve de retour à l’autarcie, plus saine et plus économe : couper, transporter et stocker soi-même son bois de chauffage… Preuve en est le nouvel engouement des particuliers pour l’achat de parcelles boisées : un hectare de forêt géré correctement peut produire 10 m3 de bois de chauffage annuel, ce qui suffit à chauffer une maison ! La logique de l’indépendance énergétique ramenée au niveau des particuliers, en somme.
Abattre des arbres pour se chauffer, la solution miracle ?
Mais qu’en est-il exactement des vertus écologiques et sanitaires du chauffage au bois ? Dans une tribune publiée dans Le Monde du 25 juillet 2020, deux chercheurs français Meriem Fournier (laboratoire Silva/Inrae, AgroParisTech, université de Lorraine) et Bruno Clair (LMGC, CNRS, université de Montpellier) vantaient les bienfaits du bois-énergie dans la lutte contre le réchauffement climatique : « L’utilisation du bois ne puise pas dans un stock fini, mais participe à un cycle infini. Pourvu que la forêt soit gérée durablement, c’est-à-dire en réinvestissant à chaque récolte pour renouveler les arbres coupés et pour maintenir et restaurer tous les services perturbés – stock de carbone et de bois, biodiversité, qualité du sol, valeur paysagère ».
Par ailleurs, insistent-ils, « le prélèvement d’arbres pour utiliser leur bois permet de stocker du carbone durablement. Si le bois n’est pas récolté et reste en forêt, en fin de vie l’arbre meurt et se décompose en relâchant dans l’air son carbone. Ainsi, une forêt à maturité ne piège que peu de carbone. Au contraire, l’usage du bois libère de l’espace pour de jeunes arbres qui stimulent le stockage en forêt ».
Tout cela, sous réserve bien sûr de « combattre les mauvaises pratiques sylvicoles comme les coupes rases abusives » ou la mécanisation à outrance de l’exploitation des forêts. Tout l’enjeu réside en effet dans la gestion durable de la forêt. A cet égard, la production raisonnée de bois-énergie apparaît comme un élément important de la gestion sylvicole, comme l’explique le rapport co-publié par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et France Bois Forêts : « Le bois énergie est un complément indispensable à l’économie forestière mais surtout un outil de gestion sylvicole. En effet, la gestion des forêts et les différentes opérations sylvicoles nécessaires à la production du bois d’œuvre conduisent à procéder, au cours du cycle de croissance de la forêt, à des coupes qui ont pour objectif de réaliser des éclaircies, des ouvertures ou des coupes sanitaires, (…) dont le produit sera valorisé sous forme de bois-énergie ».
Et les particules fines dans tout ça ?
Bénéfices économiques pour les consommateurs, vertus écologiques, réduction du coût des transports, revalorisation de l’emploi local, contribution à l’indépendance énergétique de la France : le bois-énergie aurait donc toutes les qualités ? Reste à se pencher sur un autre sujet de préoccupation, celui de la combustion du bois-énergie (qu’il soit sous forme de bûches, de plaquettes ou de pellets) avec la question récurrente des émissions de particules des chaudières au bois et leur grave impact sur la santé.
Dans une interview publiée en septembre 2021 dans le magazine de l’ADEME, David Marchal, directeur exécutif adjoint de l’Expertise et des programmes de l’ADEME, résumait ainsi les critiques qui sont adressées par certains journalistes et scientifiques au bois-énergie : « Une surexploitation de la forêt qui réduirait sa capacité à stocker du carbone, tout en portant atteinte à la biodiversité et en émettant des particules nocives issues de giga centrales de production d’électricité ». David Marchal réfute ces attaques qui sont selon lui le fruit d’une grande confusion, en expliquant comment les pouvoirs publics, avec le « Plan d’action pour réduire de 50% les émissions de particules fines du chauffage au bois domestique », sont engagés au contraire dans une politique de promotion de l’utilisation responsable du bois (abandon des foyers à ciel ouvert, rénovation ou remplacement des chaudières…), assortie d’un ensemble de mesures financières incitatives, comme MaPrimeRénov’.
Le chauffage au bois serait-il donc la panacée ? Dans un monde parfait, oui, où à toutes les étapes du process les comportements et pratiques seraient résolument responsables et transparents. Ce qui passe, nous en sommes convaincus, par une juste information sur le sujet. Et c’est notre objectif en vous ouvrant ces quelques pistes de réflexion, bonne lecture !