Les Bishnoïs et Rana Ram, protecteurs de la nature

A l’heure de la COP26 où le concept de « solutions fondées sur la nature » est brandi comme la réponse miracle à tous les problèmes climatiques, il nous a paru intéressant d’aller à la rencontre des Bishnoïs, une communauté de « guerriers de l’environnement », qui, depuis le XVème siècle apparaissent comme d’ardents défenseurs de la nature.


Figure emblématique de leur mouvement, le « tree-man » Rana Ram qui, à l’âge de 78 ans, relève encore le défi de planter trois arbres chaque jour.

Les Bishnoïs, une communauté ancestrale d’écologistes déterminés

L’histoire commence au XVème siècle à la lisière du désert de Thar, dans la région de Jodhpur au Rajasthan. La contrée est frappée par une grave sècheresse pendant des années, au point que les hommes deviennent fous, se mettent à abattre les arbres et à massacrer les animaux sauvages pour se nourrir. La légende raconte que Jambeshwar Bhagavan, un jeune bouvier particulièrement sensible au sort des êtres sans défense a eu une vision : c’est l’action négative de l’homme sur son environnement qui est à l’origine de son malheur, et il est urgent d’agir pour protéger la nature et la vie humaine.


Jambeshwar Bhagavan devient alors le guru d’une secte prônant le respect de 29 principes, qui embrassent tous les aspects de la vie avec un accent tout particulier mis sur la défense inconditionnelle de la nature. Une charte de développement durable avant l’heure en somme, avec des préceptes tels que : « Ne tue jamais un animal », « Protège les animaux sauvages, car eux aussi jouent un rôle dans l’équilibre de la nature », ou encore « N’abats pas les arbres ». Et plus que ça, une véritable religion écologique rassemblant, fait exceptionnel en Inde, des hommes et des femmes issus de toutes les castes.

Représentation du guru Jambeshwar Bhagavan (1451-1536)

Les Bishnoïs sont prêts à donner leur vie contre celle d’un arbre

Les Bishnoïs sont prêts à sacrifier leur vie pour sauver celle d’un animal ou d’un arbre, et ils l’ont héroïquement démontré en 1730, lorsque plus de 360 d’entre eux furent massacrés alors qu’ils protégeaient de leurs corps des arbres que les soldats du maharaja étaient venus abattre. Suivant en cela l’exemple d’Amrita Dervi qui la première s’écria en étreignant un arbre menacé : « Une tête sectionnée vaut moins qu’un arbre abattu ».

Aujourd’hui la communauté bishnoi compte environ 1 million d’adeptes sur une population totale de plus d’1 milliard d’habitants en Inde. Si certains ont essaimé dans d’autres régions du pays, c’est essentiellement au cœur du désert de Thar, le « pays de la mort », ainsi nommé parce qu’il est le plus chaud du Rajasthan et le plus aride du pays, qu’ils résident encore. Fidèles aux 29 préceptes de leur guru, ils vivent dans des villages qui apparaissent comme des oasis de verdure au milieu du désert. Et à l’instar de leurs ancêtres, ils considèrent arbres et animaux comme des membres de leur famille et en prennent soin comme de leurs propres enfants. Il arrive même que les femmes donnent le sein aux bêtes blessées ou orphelines, qu’elles ont recueillies !

Lors des pélerinages, chaque famille Bishnoï offre du blé pour nourrir les gazelles, antilopes noires, paons et pigeons vivant aux alentours des temples sacrés. Depuis le XVe siècle ils partagent leurs récoltes ainsi que l’eau avec les animaux sauvages. (tout droit réservé à Franck Vogel)

Rana Ram Bishnoï, l’homme qui fait verdir le désert

« Un vent de sable violent agite les quelques arbres, masquant le paysage aride du désert du Thar. Le visage enfoui dans un foulard, un homme marche, courbé contre le vent, tenant son chameau par la bride. Le pas alourdi par les éléments déchaînés, il s’agenouille devant un trou au fond duquel tente de vivre un petit arbuste Khejri. Il tire de son chameau une outre et arrose la frêle pousse qu’il a plantée voilà une semaine. « Je partagerai mon eau avec cet arbre pendant les deux prochaines années. Il est comme mon fils », explique Rana Ram, ravi du centimètre gagné par son protégé. » 

Rana Ram, l’ami des arbres.

C’est ainsi que Franck Vogel auteur d’un passionnant livre sur les Bishnoïs décrit l’étonnant quotidien de Rana Ram, un homme qui fait plus que protéger les arbres puisqu’il s’est fixé pour mission d’en planter. En un demi-siècle, sans aucune aide financière, il a planté 30 000 arbres et peut s’enorgueillir d’avoir réussi à transformer des dunes de sables en une forêt rassemblant différentes espèces, et ainsi à contenir l’avancée du désert du Thar sur son village.


Devenu au fil du temps une légende, Rana Ram apparaît comme une source d’inspiration plus que nécessaire en Inde : le pays est aujourd’hui le 3ème plus important pollueur de la planète, responsable de 7% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Et ses dirigeants ont bien du mal à arbitrer entre d’un côté, la volonté d’augmenter la taille de la couverture forestière pour absorber une partie du carbone, et de l’autre la tentation du recours massif à la déforestation pour construire routes ou aéroports.

Les Bishnoïs deviennent des « guerriers de l’environnement »

Rana Ram lui-même s’inquiète de ces évolutions : « Couper les arbres et détruire les forêts, aujourd’hui, c’est une faute grave. Nos gouvernements qui laissent faire ça échappent à leurs responsabilités ». Alors qu’il se sent trop âgé désormais pour mener le combat, c’est son fils Vishek qui reprend le flambeau. En organisant par exemple avec d’autres « guerriers de l’environnement » des manifestations à New-Delhi.

Sur un mode plus pacifiste, la communauté bishnoi propose des camps de vacances aux enfants des familles bishnoïs partis s’exiler en ville, loin de leurs racines. Ou encore des visites organisées à destination des touristes indiens et étrangers sensibles à la question de la préservation de la nature. L’objectif étant de convertir durablement à l’écologie l’ensemble des Indiens et le reste de la planète. #inspiration

Si vous voulez en savoir plus sur la communauté bishnoi et sur la figure particulièrement inspirante de Rana Ram, voici un livre et deux documentaires :

Ici un prêtre avec une gazelle – nourrissent matin et soir les animaux sauvages depuis plus de cinq siècles. Certaines gazelles acceptent même de manger dans leurs mains.
(Tout droit réservé à Franck Vogel)

à découvrir

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COMMENTAIRES

  1. Encore merci pour cet article. Je découvre au fur et à mesure de vos publications, des personnages qui, en toute modestie, sans tapage médiatique, contribuent à sauver notre Terre de destructeurs pour s’enrichir…

    • Merci beaucoup pour vos commentaires Gilles, cela nous touche beaucoup ! C’est tout notre objectif de faire découvrir ces personnalités qui comme vous le dites, participent silencieusement, mais sûrement, à la protection de notre chère planète. Nous avons encore beaucoup de choses dans le même ton qui arrivent et nous espérons que cela vous plaira aussi !

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