A partir de début octobre, la saison de la coloration des feuillages d’automne est à son apogée. Au nord -est des Etats-Unis et au Québec, notamment, les sentiers de randonnée sont bondés. Les routes de montagne sont encombrées et chacun scrute le passage du vert au jaune puis au rouge des feuillages. Érables, chênes, tupelo, .. entament une course colorée vers les dernières chutes, inexorables, de leurs feuilles. C’est d’ailleurs ce spectacle magnifique qui a donné envie à Alain Vernholes de créer l’Arboretum de Boiscorde.
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Le cycle des couleurs
La chlorophylle, la substance chimique responsable de l’aspect vert des feuilles et de la conversion de la lumière en énergie lors de la photosynthèse, prend le dessus au printemps et en été. Mais lorsque la température, la lumière du jour et des phénomènes météorologiques tels que la pluie ou la sécheresse provoquent la mort des feuilles à l’automne, la chlorophylle se décompose et révèle les substances chimiques jaunes ou orange, appelées carotènes ou caroténoïdes, qui étaient là depuis le début de la croissance du feuillage. Et cela concerne toutes les plantes. En fonction du taux de carotène dans les feuilles, le feuillage peut rester jaune longtemps ou tourner au brun rapidement.
En ce qui concerne le passage au rouge, c’est une autre histoire. Lorsque les feuilles de certaines espèces de végétaux meurent, elles produisent des substances chimiques appelées anthocyanines (que l’on trouve dans la peau des raisins et des pommes) à partir des sucres accumulés. Ces substances produisent un pigment rouge qui peut se combiner avec les pigments verts laissés par la chlorophylle et ainsi afficher différentes nuances de rouge.
A quoi sert le rouge ?
Le passage au rouge permet aux feuilles de rester plus longtemps sur l’arbre. Elles prennent une couleur rouge vif dans le but d’emmagasiner le plus d’éléments nutritifs possible avant que l’arbre ne s’installe pour l’hiver. Plus la qualité du sol est mauvaise, plus l’arbre fait des efforts pour récupérer les nutriments de ses feuilles, et plus celles-ci deviennent rouges.
C’est la conclusion à laquelle est parvenue Emily Habinck, de l’université de Caroline du Nord, après avoir examiné des arbres dans une plaine inondable et dans une zone montagneuse adjacente. Le sol de la zone montagneuse était pauvre en nutriments, et les feuilles y étaient rouge vif. Dans la plaine inondable, où le sol était plus riche, les feuilles d’automne restaient jaunes.
Pas facile de passer au rouge !
À l’approche de l’automne, les arbres commencent à décomposer la chlorophylle verte de leurs feuilles et à redistribuer les nutriments qu’elles contiennent vers leur tronc et leurs racines. Cela leur permet de survivre tout au long de l’hiver, lorsque la lumière du soleil est rare. Si la couleur jaune de certains arbres d’automne résulte de la perte de chlorophylle, qui ne fait que démasquer les caroténoïdes jaunes qui étaient là depuis le début. En revanche, la coloration rouge provient d’un pigment appelé anthocyanine, qui doit être fabriqué à nouveau lorsque l’automne s’installe.
La raison pour laquelle les arbres dépensent de l’énergie à cette fin, alors que l’hiver approche, est peu claire. Certains chercheurs suggèrent que ces pigments agissent comme des antioxydants, aidant l’arbre à lutter contre les conditions difficiles. D’autres disent qu’ils contribuent à attirer les oiseaux, ou alors que les anthocyanes permettent aux arbres de lutter contre les invasions d’insectes d’hiver.
Le rouge, un écran solaire pour les arbres ?
En 2001, William Hoch, de l’Université du Montana, a suggéré que ce pigment agissait comme un écran solaire protecteur, aidant à garder les feuilles sur les arbres plus longtemps afin de pouvoir collecter davantage de nutriments. La photosynthèse devient plus difficile lorsque la chlorophylle est dégradée, et les feuilles deviennent plus sensibles aux dommages causés par le soleil. Les feuilles endommagées tombent plus rapidement, ce qui prive l’arbre d’une source de nutriments.
Hoch a réalisé une étude dans laquelle il a créé des arbres mutants qui ne pouvaient pas produire d’anthocyanines. Ces arbres ont perdu leurs feuilles alors qu’elles étaient encore vertes lorsqu’ils étaient exposés à un environnement très stressant (lumière vive et températures froides). Les arbres mutants étaient beaucoup moins efficaces pour stocker l’azote pour l’hiver.
L’étude menée par Emily Habinck sur des mélèzes et des érables rouges naturels dans une réserve naturelle confirme ce fait. Les arbres des collines, où les sols ne contiennent pas beaucoup d’azote, ont des feuilles plus rouges que les arbres de la plaine inondable.
Pourquoi plus d’arbres rouges en automne en Amérique du nord ?
Seules 4 espèces d’Europe du Nord, présentes dans la nature, ont une couleur rouge en automne : Prunus padus (cerisier des oiseaux), Prunus spinosa (prunellier), Sorbus aucuparia (sorbier d’Europe) et Acer platinoïdes (érable de Norvège). Dans le reste de l’Europe, dont la France, on peut élargir le nombre d’espèces d’arbres colorant en rouge à 24. En Nouvelle-Angleterre, en Ontario, et aux Etats-Unis on va compter au moins de 90 espèces d’arbres sauvages colorant en rouge en automne, les érables à sucre, les chênes rouges, les sorbiers, les cornouillers, le sumac …
Alors comment est-ce possible ? Des géographes avancent l’hypothèse suivante. En Amérique du Nord, les périodes de glaciation ont produit des reliefs avec une orientation nord-sud des reliefs. Du coup, animaux, et insectes ont pu migrer facilement et faire peser une forte pression sur tous les arbres présents. Pour lutter contre ces invasions avant l’arrivée de l’hiver, les arbres ont dû produire beaucoup d’anthocyanines. En Europe en revanche les glaciations ont entraîné l’élévation de reliefs orientés est-ouest. Les migrations étaient plus compliquées notamment pour les insectes et les ravageurs et ainsi la pression sur les arbres était moins forte.
Merci à Alain et Antoine Vernholes d’avoir créé l’Arboretum de Boiscorde, pour nous enchanter en automne et nous faire découvrir des merveilles d’arbres rarement cultivés en France.
Partagez avec nous vos découvertes de couleurs d’automne ! Nous attendons vos photos…