Il y a cinquante ans, lorsque Maxime Le Forestier chantait « Comme un arbre dans la ville », il était perçu comme un gentil rêveur, un utopiste, un baba cool un peu niais et irresponsable qui n’aurait rien compris aux promesses de bonheur et de progrès des Trente Glorieuses, urbanisation galopante et ultra-moderne solitude à l’appui. Pourtant, si vous écoutez aujourd’hui cet hymne poignant à la nature et à l’homme, magnifiquement orchestré, vous serez frappé par son message visionnaire…
Le poète, le premier qui dit la vérité
Comme un arbre dans la ville Je suis né dans le béton Coincé entre deux maisons Sans abri sans domicile Comme un arbre dans la ville
Comme un arbre dans la ville J'ai grandi loin des fûtaies Où mes frères des forêts Ont fondé une famille Comme un arbre dans la ville
Entre béton et bitume Pour pousser je me débats Mais mes branches volent bas Si près des autos qui fument Entre béton et bitume
Comme un arbre dans la ville J'ai la fumée des usines Pour prison et mes racines On les recouvre de grilles Comme un arbre dans la ville.
Comme un arbre dans la ville J'ai des chansons sur mes feuilles Qui s'envoleront sous l'oeil De vos fenêtres serviles Comme un arbre dans la ville
Entre béton et bitume On m'arrachera des rues Pour bâtir ou j'ai vécu Des parkings d'honneur posthume Entre béton et bitume
Comme un arbre dans la ville Ami fais après ma mort Barricades de mon corps Et du feu de mes brindilles Comme un arbre dans la ville
Une chanson sur l’arbre qui interroge
Qui à l’époque pour pointer du doigt les abattages en masse des arbres en ville visant à rationaliser et optimiser son organisation ? Qui pour annoncer les ravages de la pollution urbaine ? Qui pour comprendre le lien entre le mal-être des citadins et l’absence de verdure dans leur environnement ? Qui pour dénoncer les effets dévastateurs de l’anonymat sur l’équilibre et l’épanouissement des individus ? Les poètes sont des visionnaires, et cette chanson en est l’éclatante manifestation !
L’arbre en ville est (enfin) devenu un enjeu environnemental majeur
Tendance radicalement inverse aujourd’hui : la végétalisation des villes est devenue le nouveau Graal des municipalités, qui se lancent dans une surenchère de plantations, au risque d’agir dans la précipitation, sans prendre en compte les réels besoins des arbres. Attention, rappelle Caroline Mollie dans son ouvrage « Des arbres dans la ville : l’urbanisme végétal » : « Les végétaux sont des êtres vivants, ils ne sont pas des objets de décor ou des alibis climatiques. Il convient donc de les planter dans les conditions qui leur assureront un bel avenir ».
L’ingénieur écologue et technicien forestier David Happe vient de publier aux Éditions Le mot et le Reste un essai intitulé « Au chevet des arbres – Réconcilier la ville et le végétal » qui se propose de « sensibiliser au sort des arbres qui partagent nos espaces de vie au quotidien », en somme une belle réponse au message lancé en 1972 par Maxime Le Forestier. D’autant qu’il insiste, aussi, sur la contribution des végétaux à l’amélioration de la santé physique et mentale de la population.
Maxime Le Forestier sera en concert au Touquet Paris Plage le vendredi 8 avril 2022, à Chasseneuil du Poitou, au Palais des Congrès du Futuroscope, le dimanche 10 avril 2022, à Carhaix Plouguer du 14 juillet au 17 juillet 2022. Il y chantera les titres de son dernier album « Paraitre ou ne pas être » et reprendra certainement ses grands succès des années 70, au premier rang desquels « Comme un arbre dans la ville ».
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